Son Imagination Danse Toujours

(les histoires véridiques d'Albéric le héros)

mardi 23 mars 2010

Les premiers jours du héros

Enfant, Albéric était une pile électrique. Enfin, pas une vraie pile électrique, parce qu'un petit garçon ne peut pas être une vraie pile, ce serait stupide. Ce sont les parents d'Albéric qui l'appelaient comme ça, pour le taquiner, parce que les petits garçons n'aiment pas vraiment qu'on croit qu'ils sont des objets, et parce qu'il n'arrêtait jamais de fouiller tout-partout. Et puis, il n'était pas un simple petit garçon, il lui arrivait plein de trucs étranges et de bidules incompréhensibles (même quand on a sept ans !). Je suis d'accord, il arrive toujours plein d'aventures aux petits garçons qui vivent dans les livres, mais celui-là vivait dans le 17e arrondissement et, parfois, il pouvait voir en vrai ce que les autres lisaient dans leurs bandes-dessinées, ou regardaient à la télé, ou entendaient sur les disques de leurs parents.
Avant tout, comme disait sa maman, il faut toujours se présenter poliment aux inconnus; alors, avant de vous raconter ses histoires, je vais vous dire qui il était, et qui il est devenu. Il n'est pas né dans une île tropicale qui sert de repaire à des boucaniers, il n'est pas né au milieu du brouhaha d'un repaire de gangsters, il n'est pas né le nez dans les étoiles avec une combinaison d'astronaute, il est né dans une clinique de Neuilly-sur-Seine, parce que c'était tout près du tout petit appartement de sa maman, et que la voiture de son papa ne marchait pas très bien. Lorsqu'il a sorti le bout de son nez, il n'y avait personne, sauf sa maman, et une toute petite infirmière, si petite et si impressionnée qu'elle ressemblait à un criquet (enfin, ce sont les criquets qui lui rappelleront l'infirmière, la première fois qu'il en verrait). Le docteur était parti, il s'était sûrement dit qu'Albéric arriverait à se débrouiller tout seul. En fait, et ça il l'avait appris plus tard, plus grand, quand il avait eu droit à son premier verre de vin le dimanche midi, le docteur était parti regarder le dernier match du Tournoi des Cinq Nations, qu'on avait perdu cette année. Voilà, dès le début, à cause du sport, il avait du se débrouiller tout seul. Et il s'en souviendrait, ça oui !
Les années de babillages et de gazouillis ne sont jamais très intéressantes, et lui-même ne s'en souvient plus très bien, alors on va sauter jusqu'au moment où ses parents le prenaient en photo, un jour où il allait presque pleuvoir (à trois ans, on ne se soucie pas des mots compliqués comme Septembre ou Octobre), en lui demandant de rester bien sage dans sa toute nouvelle blouse. Ses parents aimaient beaucoup la photo, parce que son papa en avait fait son métier, et que sa maman passait sa vie dans les musées, alors Albéric avait grandi sous l'oeil-objectif de son papa et les affiches de tableaux que sa maman épinglait dans sa chambre. Et ouais, il avait une chambre pour lui tout seul, parce que le berceau de son petit frère restait encore dans la chambre de ses parents. Son papa avait aussi dessiné l'étiquette collée sur la petite poitrine bombée d'Albéric, où il y avait marqué d'une jolie écriture « Je m'appelle Albéric et je suis dans la classe des Poussins Roses ». À cette époque, Albéric faisait son premier jour à l'école.